Ce spectacle, en deux épisodes, est basé sur le livre Bad Boy of Music, autobiographie singulière du compositeur américain Georges Antheil. Imprégnés par les foisonnantes anecdotes de cet ouvrage, nous avons construit un spectacle qui esquisse un portrait de ce compositeur inclassable et de sa folle époque. Antheil ayant côtoyé tout le gratin de l'avant-garde de son temps, nous avons élaboré un projet audacieux où des extraits du livre côtoient un choix signifiant de pièces musicales, pour piano, violon et voix, tiré de ce panthéon artistique qu'Antheil a fréquenté (Stravinsky, Satie, Krenek, Cowell, Mossolov, Hindemith, Webern,...). C'est l'occasion de découvrir des oeuvres, des portraits et des chroniques représentatifs du mouvement fantastique de l'avant-garde de l'époque. Un des défis majeurs  de ce projet a été de mettre en scène ce spectacle dans un lieu insolite : la cage d'escalier, à l'architecture à la fois art déco et industrielle, d'une usine d'horlogerie. Synthèse entre le monde industriel magnifié par Antheil et le monde des salons mondains où se pavanait notre héros, ce lieu m'a permis de placer le public et les interprètes dans une situation inhabituelle et ceci d'une façon différente pour chacun des deux épisodes. Dans le premier épisode, qui retrace la période européenne du compositeur, les spectateurs sont assis au rez-de-chaussée, face à un escalier au haut duquel un palier fait office de scène pour le piano et le violon. La rampe d'escalier devient un trait d'union entre les musiciennes et les spectateurs et une aire de jeu pour la comédienne. Celle-ci apparaît et disparaît à de nombreuses reprises à travers les couloirs labyrinthiques de cette cage d'escalier, pour ressurgir à chaque fois dans une robe voluptueuse tour à tour noire, verte, rose, rouge, bleu. Pour le second épisode, celui du retour en Amérique, la situation est inversée. Le public se retrouve cette fois-ci sur le palier au haut de l'escalier, son regard plonge vers le rez-de-chaussée, devenu l'espace scénique, et il assiste à un épisode à l'atmosphère, plus intime, plus resserrée. Dans une ambiance de film en noir et blanc, les musiciennes et la comédienne évoluent alors devant un écran vidéo sur lequel sont diffusés des extraits de films hollywoodiens pour lesquels Antheil avait composé la musique. Textes, images et musiques se rencontrent et se répondent comme des numéros de cabaret.

Le fameux théâtre des Champs-Elysées était bondé des personnages les plus célèbres de l'époque : Picasso, Stravinsky, Auric, Milhaud, Joyce, Satie, Man Ray, Diaghileff, Miro... On roula mon piano sur l'avant-scène, devant l'immense rideau cubiste de Léger, et je me suis mis à jouer. Tandis que je m'exécutais, j'ai remarqué qu'un silence d'acier gagnait la salle. Et, cela, tout artiste de concert vous le dira, c'est plutôt étrange, car quand un public apprécie vraiment un morceau, il continue à tousser, à s'agiter, à chuchoter... Mais quand la salle se tasse, prenez garde! L'émeute commença presque instantanément. Quelqu'un au premier rang a commencé à siffler, puis Man Ray lui a envoyé son poing dans la figure. Marcel Duchamp se disputait bruyamment avec quelqu'un au 2e rang. Un autre homme dans l'orchestre sauta sur ses pieds et gueula : "Silence, Silence". J'ai cherché en tâtonnant mon automatique sous mon bras tout en continuant à jouer. J'avais connu des émeutes en Allemagne, mais celle-ci promettait d'en devenir une fameuse...

badgirls of music - note d'intentions