Cette performance érotico-musicale a pour point de départ l'oeuvre pour deux piano du compositeur italien Giacinto Scelsi : Rotativa. Cette pièce date de 1929, de la fougue et de l'impertinence des vingt-quatre ans du compositeur. Le titre de la pièce s'est révélé n'être qu'un alibi jeté en pâture aux Futuristes et aux innombrables exaltés de l'ère industrielle. Scelsi déclara bien plus tard qu'il avait en réalité évoqué dans cette composition l'acte sexuel. Inspirés tant par la musique que par cette anecdote, nous avons conçu ce projet comme une sorte de peep-show visuel et musical au cours duquel les spectateurs sont invités à épier, par de petites ouvertures pratiquées dans un boudoir circulaire, les faits et gestes des deux musiciens-performers. La paroi qui sépare le public de cet espace intime marque la séparation de deux univers et l'impossibilité pour le spectateur d'accéder à l'intérieur désirable; cette situation inhabituelle suscite sa curiosité, le champ de vision restreint l'envie d'en voir plus. En écho à l'oeuvre de Scelsi, le compositeur et audio-designer bâlois Volker Böhm a imaginé un prélude qui, non sans humour, accompagne le spectateur dans la découverte de ce salon intime; cette composition électroacoustique plonge le spectateur-épieur, par l'effet notamment de sub-basses, dans d'étranges sensations organiques et le conduit peu à peu au duo pianistique. Conçu par le plasticien Cyril Macq, l'univers visuel, constitué d'étonnantes protubérances, renforce cette sensation organique. Toute en sensualité murmurée, comme l'ébauche d'une caresse ou le frôlement d'une étoffe, cette performance s'ouvre sur un monde d'éther, inconsistant tel un parfum. Deux pianos, d'abord dissimulés sous un paysage vallonné de tergal blanc, apparaissent petit à petit, entièrement corsetés. Les actions des musiciens-performers, tout d'abord douces, timides, se font plus hardies, intempestives, et finalement presque triviales. Progressivement les deux protagonistes déflorent par leurs actions cet univers laiteux et libèrent ainsi de leur carcan les deux pianos emplis d'une abondante sève.

A partir de cette performance, nous avons réalisé une vidéo qui peut être projetée indépendamment à la performance et qui a sa propre pertinence artistique.