L’envie de mettre en scène cette nouvelle s’apparente d'abord au désir d’explorer le langage poétique de Ramuz. Ce texte, qui paradoxalement se déploie au cours d’une nouvelle très brève, ouvre en fait un vaste champ de réflexion. Au plus près des sentiments, on y rencontre le désir, l’attente, l’ennui, la solitude, l’espoir et la révolte. Et l’on y rencontre surtout la folie qui nous a accompagnés tout au long de notre travail. Pour cela, il ne faut jamais perdre de vue qu’il y a une Folle et qu’il y a un Costume de folie. Car, pour approcher réellement la folie, il faut se libérer du costume, donc des clichés et des poncifs, et chercher, non à comprendre, mais plutôt à ressentir un être proche de la fêlure. Le parti pris de donner à entendre un texte conçu initialement pour être lu et non joué constitue également un enjeu majeur de ce spectacle. L’actrice principale ne doit pas incarner le personnage de la folle mais bien plutôt créer l’équivoque en jouant sur plusieurs registres : récitante, narratrice omnisciente, folle, spectatrice de cette folie et finalement… fossoyeur. Car, une fois la surprise de la révolte passée, on comprend que le vrai visage qui hante l’ensemble du récit, c’est celui de la mort dont les rides sont sur sa figure comme une voilette en gros tulle noir. Détaché d’une véritable intrigue, il faut transmettre ce récit telle une élégie à la fois tendre et aigre. Présenter cette nouvelle en plein air apporte une dimension supplémentaire à ce projet. Cette scénographie naturelle, proche de l’univers ramuzien, permet de confondre l’espace scénique et l’espace public et place ainsi les spectateurs au sein même de la folie. Mais le plein air permet surtout d’apercevoir un personnage indispensable au récit : l’horizon. Cet horizon, qui à la ville comme au théâtre est trop souvent obstrué, est ici présent plus que jamais. Lointain et dégagé, il symbolise pour la folle, comme pour nous, l’espoir et par conséquent la vie. Oui, car ici l’espoir fait réellement vivre!

C'était une vraie folle, mais ce n'était pas une folle de naissance. Elle était devenue folle le jour où elle avait appris que son fiancé l'abandonnait. Il lui avait dit : "Non, vois-tu, je crois que ça ne s'arrange pas; mes parents ne sont toujours pas consentants." Et elle ne l'avait pas revu, il avait quitté le pays. Mais elle, elle disait qu'il allait revenir. Et, depuis ce jour-là, elle s'était mise à l'attendre. Elle disait : "Ce sera demain."

la folle en costume de folie -
note d'intentions