"Le 5 novembre 1982, une femme de 51 ans endommage gravement deux toiles de grande dimension au Musée du Petit Palais, à Genève, à l'aide d'une pièce de 1 franc : "La diseuse de bonne aventure" de Suzanne Valadon et "La Toilette" de Félix Valloton. L'auteur-e de ces dégâts se rend ensuite elle-même auprès des responsables de la collection, expliquant qu'en raison de son état (notamment financier) désespéré, elle désire se faire arrêter." A partir de ce fait divers, les comédiennes Christiane Margraitner et Isabelle Meyer ont sollicité plus de trente auteurs à écrire un texte de 10 à 15 minutes. Seize d'entre eux ont répondu favorablement à cette proposition. Autant de metteurs en scène ont été contactés et ont répondu positivement.

16 auteurs - 16 metteurs en scène - 16 variations sur le thème de la griffure: pour ma part j'ai "hérité" du texte de Dominique Dardant, dans lequel il renverse l'acte de vandalisme. Ici, l'oeuvre endommagé est une grande toile blanche, avec juste une sorte de ligne irrégulière qui la traverse dans le sens de la longueur, et sur laquelle le vandale a peint une oeuvre figurative, une femme nue sur un canapé rouge. Ce texte m'a permis d'explorer une problématique qui m'est chère : le rapport entre le théâtre et les arts plastiques. Dans ce travail, il m'a paru intéressant d'imaginer un espace où peuvent coexister la représentation théâtrale et celle de l'oeuvre d'art. La toile -et son châssis!- est ainsi devenue un élément central dans ma mise en scène; suspendue entre le public et les comédiennes, cette toile est à la fois emblème artistique et outil dramaturgique. Le texte nous invite non sans humour à nous interroger sur les sacro-saints courants de l'histoire de l'art et à reconsidérer ce qu'on nous donne à voir. Prolongeant cette idée, j'ai cherché à placer le public dans une situation inhabituelle, d'abord comme visiteur, en lui faisant admirer l'envers d'un tableau, ensuite comme spectateur, en restreignant son champ de vision et en concentrant son attention sur la voix et le jeu de jambes des comédiennes. L'espace réservé au public le plaçait donc face au revers du tableau, à l'arrière du décor en quelque sorte. Les comédiennes évoluaient, elles, de l'autre côté, face à la toile. Les spectateurs ne voyaient alors dépasser en bas de la toile que les jambes des comédiennes. Revisitant le concept théâtral du "quatrième mur", j'ai finalement imaginé un petit-pas-de-deux-pour-comédiennes-sans-tronc...

Celle qui est en bleu marine. - Des fois, quand j'étais petite, les jours de pluie, je courais le long des panneaux d'affichage et avec une pièce de monnaie je laissais ma main qui raclait le papier... avec la vitesse, ça faisait des lignes et même, comme le papier était mouillé, ça l'arrachait un peu des fois...

la griffure - note d'intentions