Francy Schori, directeur du théâtre ABC : Fabrice Huggler présente ici son quatrième spectacle, certainement le plus abouti, créé au Théâtre 2.21 de Lausanne en automne dernier. Dans ses spectacles, il a toujours mené une quête, celle de trouver un langage et des formes originales -toujours avec une réelle prise de risque- qui servent au plus près le texte et sa lecture de la pièce; avec Agatha de Marguerite Duras, le rapport entre l'image et la parole, avec Salomé d'Oscar Wilde, les liens entre théâtre et musique, avec Chacun sa vérité de Luigi Pirandello, théâtre et vidéo (le réel et la virtualité) servaient les thèmes pirandelliens tels que la relativité du langage et de la raison, l'impossibilité de connaître l'autre, la désagrégation du monde objectif...Ici, avec L'Idiot, dernière nuit c'est la polyphonie qui sert de trame, pour un spectacle tout en rigueur et... tout en éclats. 

Zéno Bianu, impressions d'auteur : A la fois sombre et "pantelante de vie", comme disait Gide, à propos des romans de Dostoïevski, le travail attentif de Fabrice Huggler m'évoque la précision inspirée d'une fugue de Bach ou d'un solo de John Coltrane. Me voilà propulsé tout à coup dans la quintessence de ma pièce : un monde où tout vit ensemble, où la scène devient à la fois bac à sable et Voie lactée. La déroute des âmes est un éblouissement. La chute est une mystique. Ordre et désordre ne cessent de s'aimanter. Suis-je au théâtre ou dans quelque veillée mortuaire absolue? Les lumières ne sont ni du jour ni de la nuit... Voilà ce que me dit, au plus profond, cette mise en scène, mise en force, mise en haleine -pensée, composée, offerte comme un rituel de haute tension. Un excès de présence.

Mychkine. - Et même si c'est une maladie, qu'importe... puisque le fuit de cette affreuse tension est un instant inouï qui hante le souvenir, une ouverture de l'âme -une minute harmonieuse et parfaite, qui permet enfin d'éprouver la plénitude, la mesure absolue, l'apaisement- la fusion avec le coeur du monde... Oui, pour cette minute on donnerait toute sa vie! Pour cette minute on donnerait l'éternité! A présent, je coirs comprendre la parole de l'Apocalypse, la parole de Dieu : "Il n'y aura plus de temps." "Il n'y aura plus de temps."

l'idiot, dernière nuit -
note d'intentions