En créant un spectacle à partir de ce texte, j'ai souhaité non seulement pouvoir aborder les problématiques liées à la mort, plus particulièrement lorsque celle-ci s'attaque à l'enfance, mais aussi examiner toute une symbolique qui lui est apparentée. Car la mort est aussi chez Maeterlinck un but, une étape, la destruction d'une forme et la naissance d'une autre; elle est le passage de l'enfance à l'âge adulte. En pénétrant dans la mort, on se laisse aller vers l'inconnu, dans le domaine de l'inconscient. Elle est assimilée au sommeil, au rêve, au monde des intuitions qui transperce le savoir des adultes. Partant de là, j'ai cherché à démultiplier au maximum les niveaux de lecture et à créer un spectacle qui, échappant aux contraintes du réel, plonge le public dans les dédales infinis des rêves et des cauchemars. J'ai incité les comédiens à se libérer d'une articulation habituelle et à rechercher une articulation insolite qui présuppose une langue des rêves. Dans ce travail, j'ai tenté d'admettre la possibilité d'être à la fois un et plusieurs. Cette recherche de déréalisation s'est traduite par la permutation occasionnelle de répliques entre les personnages, par le redoublement de voix mises en écho et par la décomposition et la déstructuration de certaines séquences. Scénographie, costumes, univers sonore et vidéo sont venus en contrepoint renforcer la sensation d'immatérialité et d'infini, par la création d'espaces, visuels et sonores, dont la profondeur indéfinissable suscite le vertige.

Ygraine. - Je ne pouvais pas rire tout de suite... Tu comprendras... Il est temps, Tintagiles, et le vent devient noir sur la mer... Embrasse-moi, plus fort, encore, encore, avant de te mettre debout... Tu ne sais pas qu'on aime... Donne-moi ta petite main... Je la garderai bien; et nous allons rentrer dans le château malade...

la mort de Tintagiles - note d'intentions