Mais pour l’heure, je suis là debout, et je regarde fixement… Pour connaître le lieu où je suis transporté… En vérité je me trouve sur le rebord… D’une vallée d’abîme, profonde, et embrumée… En fixant mon regard jusqu’au fond,… Je ne peux rien y discerner.
Allons, le long chemin nous pousse… Descendons à présent dans le monde aveugle,… Je serai le premier, toi le second.
Que se passe-t-il en nous quand surgissent les questions vertigineuses du sens de l’existence, quand nous prenons conscience de l’impossibilité d’appréhender l’infini, quand nous devons finalement nous contenter de l’image imparfaite et fuyante que nous nous sommes créés de nous-même ? C’est une traversée du vide entre théâtre et musique qui est proposé à travers ce spectacle.
Bien entendu la problématique envisagée ici peut sembler titanesque, mais il ne s’agit pas dans ce spectacle de donner réponses à ces vastes questions, ni de parler de choses extraordinaires, mais de considérer simplement et poétiquement les réactions les plus fréquentes face au sort commun : le mystère de l’existence étant justement commun à tous. Ce spectacle cherche à faire surgir tant la violence que la douceur qui émanent de tout un chacun quand on est placé face à l’énigme de l’origine. Violence, car la sensation de pouvoir être le premier à percer ce mystère, de pouvoir être plus qu’homme dans un monde d’hommes, de pouvoir échapper à la destinée humaine, nous habite tous. Douceur, car c’est avec beaucoup d’humilité que chacun de nous s’efforce de continuer à trouver une réponse à une question que nous supposons à jamais ouverte.
Bien que ces questionnements existentiels ne découlent pas d’une bataille d’un individu contre un autre individu mais bien d’un combat d’un être avec lui-même à propos de la raison de son existence, ceux-ci révèlent néanmoins un caractère spécialement dramatique et se prêtent particulièrement à un traitement scénique. Ces régions de l’âme, où il nous semble entrapercevoir une trace de l’énigme humaine, et dont nous découvrons avec étonnement l’immensité, s’avèrent souvent plus passionnantes que les régions de l’âme gouvernées par la raison et l’intelligence.
L’univers scénique et sonore de cet audacieux projet interdisciplinaire entraîne les spectateurs à changer d’espace au cours de la représentation. La première partie de la soirée, au petit théâtre de la rue du Coq, invite à l’introspection, tandis que la seconde partie, au Temple allemand, avec sa hauteur de plafond considérable, évoque une certaine transcendance, une libération.